La gauche n’a pas le monopole de la vertu.

Assise dans un café, je tente de mettre fin à cette session universitaire qui n’en finit plus. Derrière moi, un groupe d’étudiants qui  feuillettent un journal. Ils apprennent, non sans surprise, qu’en 1996, Jack Layton, chef du Nouveau Parti Démocratique du Canada, a été trouvé flambant nu, dans un lit, dans un salon de massage malfamé du quartier chinois de Toronto. La réaction du groupe est spontanée : «peu importe».

Peu importe?

Pour moi, l’information n’est pas à remettre en question. Tout porte à croire que monsieur Layton se trouvait véritablement dans un salon malfamé du quartier chinois de Toronto, salon qui était d’ailleurs régulièrement visité par des policiers à la recherche de mineures. Quiconque a moindrement tâté le terrain saura qu’on ne se trouve pas dans ce genre d’endroit sans raison précise. Quiconque est le moindrement informé sur la prostitution saura que les Triades chinoises ne sont pas reconnues pour être particulièrement galantes envers les femmes qui alimentent leurs maisons closes. Ceux et celles qui s’intéressent un peu plus au sujet ne seront pas sans savoir que l’âge moyen d’entrée dans la prostitution est, au Canada, de quatorze ans. Et que de toutes manières, la réalité de la prostitution ne correspond pas à l’image glamoriséedont la culture de masse ne cesse de nous gaver.

On dira que ceux-ci ont été colportés par des médias conservateurs, appartenant à Québécor.

Malheureusement, la gauche n’a pas le monopole de la vertu. Alors venons-en aux faits.

Ce qui me frappe, dans ces extraits de rapport policier publié par le Toronto Sun, c’est le surréalisme de la réponse donnée par Layton aux policiers :

At first the policemen didn’t realize they were interviewing one of the best-known Toronto politicians who was married to Chow, also a Metro councillor and now the incumbent NDP MP for Trinity-Spadina.The officer’s notebook indicates he asked the suspected john: « Did you receive any sexual services? »He replied: « No sir, I was just getting a shiatsu. »The cop: « Why did you have all your clothes off? »The suspected john: No answer.The cop: « Are you aware that there were sex acts being done here? »The suspected john: « No sir. »The woman, who was from mainland China, denied masturbating the suspected john but when the question was repeated became nervous and replied, « I don’t know I only come to work today, » the cop’s notes show.His notes also claim he saw the « female dump wet Kleenex into garbage. »

Il y a quelques semaines, une certaine Samantha Ardente faisait les manchettes d’ici et d’ailleurs. On jugeait que sa participation à des films pornographiques faisait en sorte que sa présence était inopportune dans un milieu scolaire.

Si on peut critiquer de manière raisonnable les pratiques de cette personne de par la position sociale qu’elle occupe, il me semble d’autant plus légitime de nous questionner sur celles d’un homme qui risque d’influencer de manière considérable l’avenir des femmes et des hommes d’un océan à l’autre.

D’ailleurs, à cet effet :

En 2003, la députée néo-démocrate de Vancouver Lybby Davis demandait la création d’un sous-comité dans le but d’envisager la création de bordels légaux dans le cadre des Jeux Olympiques de 2010. Des groupesd’anciennes femmes prostituées et de femmes issues des Premières Nations s’étaient vivement opposées au projet.

Plus récemment, le Nouveau Parti Démocratique a appuyé Terri-Jean Bedford, Valerie Scott et Amy Lebovitch dans leur procès qui visait à décriminaliser totalement le système prostitutionnel. Wikipedia nous apprend que l’une des plaignantes a déjà été condamnée pour avoir été en charge d’une maison de débauche et qu’une autre étudie présentement le business à l’Université de Toronto dans l’objectif avoué d’ouvrir un bordel.

Bien que la cause soit toujours en appel, il s’avère tout à fait réaliste de croire que sous le couvert de l’humanisme s’instaurera une industrie qui, fon-da-men-ta-le-ment, n’en a rien à faire de nous toutes, de nous tous.

Et pourtant.

Un sondage en ligne réalisé par Angus Reid, dont les résultats ont été publiés aujourd’hui , nous apprend que :

54 % des Québécois sont en faveur du jugement [qui affirme que les lois qui banissent la prostitution sont inconstitutionnelles], ce qui est le plus fort soutien parmi toutes les provinces. Les hommes supportent dans une proportion de 60 % la décriminalisation de la prostitution, comparativement à seulement 38 % des femmes.

Comme la nation québécoise est arrivée dans la modernité «sur le tard», pour reprendre une expression de la sociologie, sans doute est-elle plus vulnérable aux discours «progressistes» qui, je le répète, sous le couvert de l’humanisme, forgent lentement mais sûrement les bases de l’individualisme. L’individualisme est cette conception de l’humain, historiquement et culturellement située, sur laquelle s’appuie l’idéologie néolibérale qui nous dicte qu’il faut «jouir sans entrave» et qu’«il est interdit d’interdire» (Mai 68).

Comme quoi la gauche et la droite peuvent constituer les deux facettes d’un même système et qui, chacune à leur manière, le renforce.


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