Envolée lyrique pour un public de droite. La gauche, la droite, la grève.

La gauche, la droite, la grève. 

« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est connaitre la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C’est être fier d’une victoire que les camarades ont remportée. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. »

Antoine de Saint-Exupéry

C’est lors de mon entrée à l’Université, en 2007, que j’ai connu pour la première fois le milieu gauchiste québécois.   Ayant toujours eu un caractère assez contestataire, c’est tout naturellement que j’ai intégré le mouvement étudiant.  Après deux mois de cours, nous étions déjà en grève.  Durant cette période, j’ai appris les rudiments de la politique étudiante : je me suis prononcée en assemblée générale, j’ai participé à un congrès national, je suis allée à Montréal pour exprimer mon désaccord avec les décisions du gouvernement Charest.  Pour la première fois, j’ai cru rencontrer des gens qui étaient « comme moi ».  Notre lune de miel a duré jusqu’à ce qu’on me dise que « la charité, c’est une affaire de droite ».  À mon désir d’aider financièrement les étudiants dans le besoin, on m’a répondu qu’il fallait « rester en lutte ».   L’intérêt potentiel des gens du HEC envers ce projet a fait de moi une traitre.  Pas question de me battre pour distribuer de l’argent, ai-je pensé.  Tant pis pour vous, je quitte le navire.  Arrangez-vous avec votre lutte-spectacle qui se réduit à marcher dans la rue.

Tous individualistes

C’est en me fondant sur cette expérience que j’ai amorcé une réflexion sur la dichotomie gauche-droite en vogue dans les sociétés occidentales.  J’ai toujours eu tendance à m’intéresser aux situations extrêmes.  À l’instar du cinéaste Pierre Falardeau, je pense que l’être humain s’y révèle dans toute sa grandeur, dans toute sa misère aussi.  En étudiant les enjeux liés aux questions de sexualité, de vie et de mort, j’ai été forcée de constater que la gauche et la droite s’alimentent à la même conception de l’être humain.  L’individualisme sensé être combattu dans les grandes manifestations pour l’accès aux droits sociaux sert de fondement au progressisme.  On exige des plus fortunés de ce monde des concessions que peu d’entre nous sommes prêts à faire.  Plus explicitement, au risque de vous choquer : on s’attend du gouvernement Harper qu’il épargne des vies (ex : registre des armes à feu, exportation de l’amiante, guerre en Afghanistan) alors qu’on refuse de la laisser croitre en notre sein.  On s’attend de nos élus qu’ils nous considèrent comme autre chose que des clients alors qu’on légitime le discours des « travailleuses du sexe » pour qui la sexualité se réduit à une simple marchandise.  « Au nom du libre choix », dit-on.

C’est parce que je refuse de porter un dossard qui ne me convient pas que j’ai préféré, jusqu’à il y a une quinzaine de jours, de rester loin des agitations de la grève.  Lentement mais surement, Internet aidant, j’ai commencé à prendre part aux débats.  Maintenant que j’ai un pied dedans, je ne veux plus en sortir.  Il y a des moments où l’on se doit de prendre position.

Le Québec : un village d’Astérix

 

Si je ne me sens toujours pas intimement liée à la gauche québécoise,  je déplore avec elle le grand pillage organisé par le gouvernement Charest.  J’aime le Québec.  Je suis fière de faire partie d’une société distincte qui a élaboré les institutions nécessaires pour maintenir l’égalité des chances.  Encore aujourd’hui, nous restons l’endroit en Amérique du Nord où l’éducation est la plus accessible.  Un véritable village d’Astérix.  Mon histoire familiale reflète bien la mobilité sociale dont nous avons pu bénéficier.  Mon arrière-grand-mère a épousé un chef de gare.  Ma grand-mère a enseigné dans une école de rang à Sainte-Rose, en Beauce.  Ma mère dirige toujours les finances d’une organisation parapublique.  En septembre prochain, j’entamerai une maitrise qui me mènera, je l’espère, à des études de doctorat.  Je n’ai rien à envier à nos voisins du Sud.  Ni même au Rest Of Canada.

On m’a reprochée, cette semaine, de parler en termes de colonialisme pour faire référence à ce qui se passe présentement sur la scène politique québécoise.  Le terme néo-colonialisme aurait été plus juste : à défaut de dominer une population par la force, on lui fait gober un système idéologique qui l’amène à agir à l’encontre de ses intérêts.  Nous sommes de plus en plus nombreux à intégrer le discours responsabiliste qui nous dicte que notre participation au monde doit être, essentiellement, d’alterner les rôles de producteur et de consommateur.

-Sois responsable.  Endettes-toi.  Crée de la richesse.  Tes intérêts sont les miens.

Tout porte à croire que le gouvernement actuel agit à titre d’homme de paille pour des élites transnationales qui n’en ont rien à faire, des Québécois et des Québécoises.  Ces derniers le lui ont bien rendu : rappelons-nous qu’ils n’ont été que 33 % à voter pour lui aux dernières élections.

Pas de société sans projet commun.  Pas de communauté sans interdépendance.

Comme je l’ai mentionné précédemment, je me suis toujours retrouvée à étudier des situations difficiles.  Après m’être plongée dans l’univers du tourisme sexuel, c’est la maladie, la souffrance et la mort qui ont retenu mon attention.   Je suis tombée sur une entrevue  de Cécile Paillet, atteinte d’un cancer du sein, qui décrit sa fin de vie:

« Ce n’est pas mauvais, d’être plus dépendant.  Ça nous situe là où on doit être.  On nait et on  meurt dépendant, extrêmement dépendant.  Ça peut nous inciter à un abandon, à un laisser prise.  En demandant de l’aide, on permet à d’autres d’agir, d’exprimer leur générosité.  Ce qui n’est pas mauvais.  On crée une communauté. »

On tente maintenant de nous faire croire qu’on y arrivera tous seuls, chacun pour soi.  C’est une attitude contraire à l’instinct de survie.  En tenant ce discours, nous sommes en train de faire tomber les barrières que nos prédécesseurs ont érigé dans l’espoir nous protéger des invasions barbares.

On nous a appris des langages différents qui ont fait en sorte que nous n’arrivons plus à nous comprendre.  Soit.  C’est pour cette raison que j’essaie tant bien que mal de vous écrire en y mettant tout mon cœur.  Un cœur, même Arielle Grenier en a un.

Ultimement, manger du tofu, voter pour la grève ou défrayer les coûts de son éducation ne fait de quiconque une bonne ou une mauvaise personne.  L’important, c’est de savoir où se situe son engagement.

Ils sont maintenant soixante-mille à réclamer votre support car ils veulent étudier.   Elle est là, leur part.  En mettant tous leurs efforts dans l’atteinte de leurs objectifs, ils deviendront les piliers du Québec de demain.  Ce n’est pas en travaillant une vingtaine d’heures par semaine qu’ils atteindront l’excellence.  Vous-le-savez.

Au nom de quoi allez-vous le leur refuser?

Au nom de quoi allez-vous répondre favorablement à leur demande?

Au service de qui êtes-vous?

Au service de la dette et des banquiers?

Pas de « mais ».

C’est dans les moments extrêmes que l’être humain se révèle.

Et seuls les fous ne changent pas d’idée.

Vive l’Islande!

Laisser un commentaire